Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio

Article BESTIAE MANSUETAE

BESTIAE MANSUETAE, CICURES. Il ne faut pas confondre les animaux familiers, privés ou apprivoisés (mansuetes, mansuetae, cicures bestiae, xatpoYjÛs1, Tteâ ou TieuisaeuT«, -ij eepa ~ôra) avec les animaux domestiques (pocudesoubestiae domesticae,s'votxia, oixovogtxcl, au'i Opo37roéueva lia). Les animaux familiers ne sont pas les mêmes que ceux de l'étable, de l'écurie, de la volière et de la bassecour, dont nous n'avons pas àparler ici ; ceux qui habitent près de l'homme, sous sa garde et font en quelque sorte partie de sa maison, domus; ceux qui partagent ses travaux et reconnaissent son empire : ce sont ceux qui, plus 1. intimement mêlés à sa vie, sont devenus pour lui les objets d'une affection particulière. Un animal domestique peut devenir un animal familier'. Cette intimité des animaux et des hommes était plus commune chez les anciens que dans les temps modernes. Plusieurs causes les rapprochaient dans la vie, desquelles l'action est nulle sur nous. La première était la religion. Le polythéisme était essentiellement le culte de la nature: par là tout devenait sacré, et souvent l'homme respectait plus une bête, une plante,une source, que l'homme même. La croyance à la métempsychose ou transmigration des âmes a aussi contribué à inspirer du respect et de l'affection pour les animaux. Enfin,par les sacrifices, par les augures, par beaucoup d'autres cérémonies religieuses, les animaux tenaient dans la vie des anciens une place qu'ils ne peuvent avoir dans la nôtre. Ajoutons que presque tous étaient consacrés à quelque divinité, dont les images étaient ordinairement accompagnées de la leur. On en nourrissait d'apprivoisés dans les temples ou sur le territoire consacré environnant les temples des dieux et des déesses auxquels ils étaient attribués [FANUM, TEMPLUM]. Nous n'entrerons pas ici dans des détails qui seront mieux placés aux articles relatifs aux différents cultes ; observons seulement que la religion pénétrant de toutes manières et sous toutes les formes, dans la vie privée, son influence y était telle qu'il est souvent presque impossible de distinguer ce qui appartient aux rites de l'une et aux usages les plus ordinaires de l'autre. Toutefois, parmi les animaux, ceux qui sont d'une forme élégante, d'une taille petite ou moyenne, d'un naturel doux, facile, les chiens, les oiseaux surtout, étaient aisément admis dans la familiarité de leur maître. Mais on essaya de s'attacher aussi les animaux les plus indomptables, en changeant leurs moeurs naturelles. ciens portèrent très-loin l'art d'adoucir le naturel des bêtes les plus farouches. D'après un passage d'Isocrate 4, il y avait à Athènes des dresseurs qui montraient des lions domptés, des ours habitués à exécuter toutes sortes de tours : c'est ce que firent de tout temps les bateleurs et les Galles mendiants' [AGYRTAE]. Des particuliers mêmes possédaient des animaux féroces apprivoisés. La figure 822 reproduit une peinture de vases où l'on voit un jeune homme qui tient en laisse une panthère : sans doute c'est un présent destiné, comme le coq qu'il porte dans sa 87 BES -. 690 . B E S main, au personnage placé vis-à-vis de lui. Théocrite parle d'une cérémonie de Diane, où figurait, entre autres animaux féroces, une lionne. Apulée 8, décrivant la procession d'Isis, d'après ce qu'il a vu, y fait figurer une ourse apprivoisée, portée dans une chaise et accoutrée comme une noble dame. Selon Sénèque les ours, les lions, les tigres même, un collier au cou, la crinière dorée, c'est-à-dire tout imprégnée de poudre d'or, allant, venant en liberté dans les maisons, se laissaient manier sans colère, même la gueule 10, et recherchaient les caresses de leur maître. Cette dangereuse fantaisie devint assez commune pour donner lieu à des règlements de police. Un édit des édiles défendait d'avoir un chien, un verrat, un sanglier. une panthère, un ours, un loup ou un lion sans attache et dans un lieu où l'on passe ordinairement 1t. On dit que ce fut le Carthaginois Hannon qui osa le premier manier un lion et le montrer apprivoisé 12 Son adresse, ou plutôt sa dangereuse folie d'orgueil (iI voulait passer pour un Dieu), effraya ses concitoyens qui le bannirent 13. Cependant cet art semble remonter plus haut. Les Indiens employaient à la chasse les lions de leur pays; ils les menaient en laisse 14. On nourrissait au temple d'Anaitis, dans I'Élymaïde, en Perse, des lions assez apprivoisés pour venir caresser les personnes qui y entraient no Dans la plupart des tentatives, faites plus tard pour assujettir aux volontés d'un maître les animaux les plus sauvages, il ne faut voir d'abord que des fantaisies de despotes, qui veulent que tout paraisse céder à leur empire, et pensent ainsi se mettre au rang des dieux. Ils prennent à la lettre les poétiques symboles de la Grèce primitive, ou bien de ces fables ingénieuses ils veulent faire des réalités pour en imposer à la faible imagination du vulgaire. Bacchus, conquérant de l'Inde, était revenu de ces contrées lointaines porté sur un char traîné par des tigres 16; Cybèle, la Mère des dieux, avait un attelage de lions ; selon les légendes de la Thessalie 17, Pélias, roi de ce pays, avait promis sa fille Alceste à celui qui soumettrait au joug des lions et des sangliers; Apollon, qui servait chez Admète, donna à son maître le moyen de remplir cette tâche, et d'épouser la femme qu'il aimait fl8; Orphée, disait-on, avait apprivoisé les plus terribles animaux et adouci leur rage 42; une ancienne légende attribuait la même puissance à la parole de Pythagore : des boeufs sauvages, des aigles, des ourses, s'étaient montrés dociles à sa voixP° ; dans les siècles de décadence, des hommes qui se disaient, et peut-être se croyaient les maîtres du monde, prétendirent, en asservissant à leurs caprices les êtres les plus rebelles, faire croire que la nature entière obéissait à leurs lois. Des médailles en grand nombre, représentent des divinités ou des souverains sur des chars tirés par des éléphants 21. Dans la pompe dionysiaque du roi grec d'Égypte Ptolémée-Philadelphe, figurèrent vingt-quatre chars traînés par des éléphants, soixante par des boucs accouplés, douze par des lions. etc. 22. Les plus odieux tyrans de Rome imitèrent ces extravagances. Déjà aux derniers siècles de la république, pour amuser le peuple-roi, on avait fait paraître dans les fêtes du cirque, ou combaltre par centaines les lions, les tigres, les panthères, les éléphants, et aussi les girafes, les autruches, les animaux les plus rares [minus, POMPA, vENATIO]. Pompée, à son premier triomphe, avait eu l'idée d'entrer dans Rome sur un char traîné par quatre éléphants, et ïl n'avait renoncé à son projet que parce que les portes de la ville s'étaient trouvées trop étroites 2a. Antoine le triumvir soumit les lions au joug, et le premier les fit voir dans Rome attelés à un char. Ce fut pendant la guerre civile, après la bataille de Pharsale 2$. Plus tard, il se fit promener par ce même attelage avec la comédienne Cythéris. Un assez grand nombre de monuments offrent l'image de chars attelés de toutes sortes de bêtes, quelquefois sauvages ou féroces, à l'imitation des spectacles du cirque, ce sont ordinairement des amours ou génies qui les conduisent, comme on en a des exemples dans plusieurs bas-reliefs du Louvre-1 où des biges sont traînés par des sangliers, des dromadaires, des antilopes ; nous reproduisons ici (fig. 823) un camée 26, où est figuré l'Amour conduisant un char attelé de deux lionnes ; on remarquera dans ce dessin agrandi, le harnais orné de pendeloques et de paillettes ou de broderies, semblable à ceux qu'on mettait aux bêtes exposées dans le cirque. On en verra d'autres exemples au mot vENATIO. Auguste, qui avait le goût des animaux rares, montra le premier aux Romains un tigre apprivoisé 27. D'autres empereurs allèrent plus loin. On connaît le lion familier de Domitien, dont Stace a chanté la mort" : on le laissait en liberté, il sortait de sa cage, il y rentrait à son gré. Sur l'ordre de son maître, il lâchait sans lui faire de mal la proie vivante qu'on lui avait livrée. On pouvait impunément lui mettre la main clans la gueule. Il fut tué dans l'amphithéâtre par un tigre qui, peut-être apprivoisé lui-même, n'avait pas sans doute entièrement dépouillé sa férocité native 29Souvent ces brusques retours de cruauté ajoutaient un charme nouveau aux fêtes oit figuraient ces dangereux acteurs. Dans une scène d'Orphée en Thrace, donnée par Domitien, le malheureux qui BES 691 BES jouait le rôle du poète fut dévoré par un ours 30. Et pourtant toutes ces bêtes sauvages, disaient les poètes de cour, montraient le même respect religieux, la même docilité envers d'augustes maîtres 31 Ces usages se retrouvent sous tous les empereurs, qui reproduisent, en les exagérant, les monstrueux caprices des Néron et des Domitien. Caracalla eut plusieurs lions apprivoisés, un entre autres appelé Cimeterre, Acinaces3x; il le menait partout, partageait avec lui sa table et son lit, et l'embrassait en public. 11 avait la prétention de rivaliser avec Hercule n. Selon Lampride a, Héliogabale se promenait sur un char attelé tantôt de lions, tantôt de tigres, et se donnait les noms de Magna Mater ou de Bacchus, avec tous les insignes qui accompagnaient les images de ces divinités. Il faisait paraître à sa table35, au second et au troisième service, des lions et des léopards dressés à ce manége par des dompteurs (nanstletarii) : il avait eu soin de faire 'cracher les dents et limer les ongles à ces redoutables favoris ; personne ne savait que ces monstres eussent été désarmés, et il trouvait un plaisir extrême dans le spectacle de la frayeur qu'éprouvaient ses convives. Parfois, après avoir enivré ses compagnons de débauches, il les enfermait dans une chambre où, pendant la nuit, on introduisait ses lions et ses léopards, et il jouissait de leur épouvante -quelques-uns en moururent en se voyant, à leur réveil, en pareille compagnie. Gordien le Jeune avait formé à Rome une ménagerie dans laquelle figuraient soixante lions et trente léopards apprivoisés, avec des éléphants, des tigres, des hyènes, des girafes, etc. 36 Gallien, peu de temps après, donna au peuple romain une fête où parurent, entre autres animaux rares, des bêtes féroces de diverses espèces, au nombre de deux cents, toutes apprivoisées, et magnifiquement parées n. Sous Carin et Numérien, on vit des ours jouer des mimes 33 Valentinien 1°° avait deux ourses favorites, Paillette d'or et innocence (Mica avrea, Innocentia) ; il avait le plus grand soin de ces monstres familiers; il leur donnait des hommes à manger ; leurs cages étaient placées près de sa chambre à coucher, avec des gardiens fidèles, chargés d'entretenir en eux cette ardeur sanguinaire 39. Buffon a nié àtort la possibilité d'adoucir certaines bêtes féroces. et en particulier le tigre. Cuvier 40 remarque, au contraire, qu'il y a eu au Muséum de Paris des tigres aussi privés qu'aucun grand carnassier : ils léchaient les mains de leur gardien. Nous avons mentionné l'usage que, dès une haute antiquité, les Indiens faisaient des lions pour la chasse. Cet usage exista ailleurs : une épigramme de Luxorius 41 montre qu'au ve siècle, on y employait des léopards en même temps que des chiens. Sénèque observe d'ailleurs avec raison que les bêtes farouches ainsi domptées, et subissant, par lassitude, des habitudes si opposées à leur nature, perdent bientôt leurs qualités distinctives. BESTIAE i EaAE, tiv~pec, animaux sauvages. Ces efforts de l'homme pour faire servir les animaux à ses besoins ou à ses plaisirs, s'appliquaient encore plus souvent et avec plus de succès à ceux qui sont sauvages (ferai) sans être féroces (immunes). Éléphant (éÀsuaç, elephas, elephantus). Dans cette catégorie ii faut placer en première ligne l'éléphant, e de tous les animaux sauvages, le plus facile à apprivoiser ". » De bonne heure, on mit à profit son intelligence et sa force. Dans l'antiquité, on employa les éléphants surtout à la guerre [ELEPUANTES BELLATORES]. Les Romains apprirent à les connaître dans la guerre qu'ils soutinrent en Lucanie, contre Pyrrhus : d'où le nom de Lucabos, qui leur fut quelquefois donné 43. On en vit au triomphe de Curius Dentatus ; au temps de la première guerre punique Métellus en fit paraître à Rome plus de cent, qui périrent dans les combats du cirque" Leur cornac (rector, magister), de quelque nation qu'il fût, s'appelait Indien". On le voit sur les monnaies (fig. 824, 825), qui conduit, armé d'un croc, l'éléphant marchant isolé ou accouplé et attelé à un char 46. Enfin, l'éléphant figura dans des jeux, et l'on obtint de ce colosse une docilité et une adresse merveilleuses 47, des exercices vraiment étonnants, comme de fléchir le genou devant les princes, de leur présenter des couronnes, de jeter des fleurs 48, de lancer des traits, de marcher sur la corde, de danser même des danses de caractère, la pyrrhique par exemple va. Les anciens mentionnent ainsi une multitude de tours d'adresse exécutés par des éléphants, qui pourraient nous sembler incroyables, si nous n'en voyions chaque jour de pareils. Élien décrit en détail les curieux exercices auxquels se livrèrent des éléphants nés à Rome, dans les jeux donnés par Germanicus 50. Revêtus de divers costumes, ils exécutèrent plusieurs danses au son des instruments de musique, ils prirent place, dans un ordre parfait, à des tables gigantesques, où ils burent et mangèrent, etc. °L. Le compilateur affirme en avoir lui-même vu un disposer avec sa trompe des caractères romains et en former des mots sous la direction de son cornac 53. On eût dit, ajoute Élien, que cet éléphant savait ce qu'il faisait. Le consul Mucien, cité par Pline, rapporte un fait du même genre''. Réduit à l'état domestique, l'éléphant, comme le cheval, devenait quelquefois pour son maître un ami °6 ; il supportait le joug, recevait le frein, se laissait monter par des hommes 0, par des enfants même, et obéissait à lents ordres. Le roi Ptolémée-Philadelphe 58 avait un éléphant éthiopien qui était fort vieux et qui avait toujours vécu dans la familiarité de ce prince et des personnes de sa cour. La possession de ces animaux fut toujours considérée comme un privilége du souverain. Aurélien en eut un avant de BES 692 -_ BES régner, qui lui avait été donné par le roi des Perses, et l'on vit dans ce fait un présage de sa grandeur future67. L'hippopotame (17c7COa776re coç, hippopotamus), le rhinocéros (ptvcxÉpmç, rhinoceros), figurèrent dans les jeux magnifiques célébrés à Rome vers les derniers temps de la république ; ils ont été quelquefois représentés sur les monnaies ou dans d'autres oeuvres d'art 58; mais quoique l'on cite un bas-relief où était figuré un bige attelé de deux rhinocéros 69, rien ne prouve que ces animaux aient jamais été apprivoisés. Le taureau (raûpoç, taurus), malgré sa nature sauvage, fut quelquefois réduit à une si grande docilité que des enfants pouvaient danser sur son dos 60, et qu'il se courbait lui-même pour les recevoir, ou se dressait sur ses pieds de derrière tandis qu'un faiseur de tours se tenait sur sa tête : on en vit danser, se laisser porter en litière n ou rester immobiles sur un char emporté au galop 62. Le sanglier (uç °iyptoç, porcus aper) fut aussi soumis au frein et attaché à un char pour figurer dans les spectacles du cirque n ; on dressa des sangliers à combattre les uns contre les autres 64. Luxorius, poête du ve siècle, a consacré quelques vers à un sanglier qui était nourri dans la salle à manger de son maître, dont il venait chercher les caresses n. Pétrone parle de porcs acrobates (petauristarios), autour desquels on faisait cercle". La girafe (xau71107c43aatç, camelopardalis) parut pour la première fois à Rome n dans les jeux par lesquels César célébra son triomphe, en l'an 46 av. ,l.-C. On l'y revit souvent par la suite, mais toujours comme un animal rare et curieux 68. Dans une peinture qui décorait le mur d'un columbarium 89, on voit (fig. 826) une girafe, qu'un jeune guide conduit au moyen d'une longue bride et qui porte une clochette au cou, signe ordinaire de domesticité Le chameau (x«ugàoç, camelus) doit être ici mentionné. Il fut de bonne heure connu des Grecs, qui avaient vu les Asiatiques l'employer comme bête de somme, même à la guerre 70. On le trouve figuré sur les vases peints, par exemple sur celui qui représente le triomphe de Bacchus (fig. 676, p. 599) ; mais on ne voit pas que les Grecs aient utilisé cet animal, comme le firent plus tard les Romains, particulièrement pour le service militaire [ canaLus]. La figure 827 reproduit un petit bronze du musée de Naples représentant un chameau chargé d'une double manne 71. Cerf (é).e oç cervus).-Les formes massives des animaux quiviennent d'être nom-. rués ouleursmouvements disgra cieuxles empêchèrent de devenir souvent pour l'homme des animaux familiers, dans toute l'acception du terme. Il n'en a pas été de même d'un autre grand quadrupède sauvage, le cerf, dont les formes sont aussi élégantes que ses moeurs sont douces. Tous les historiens 72 ont parlé de la biche que Sertorius faisait servir d'instrument à sa politique dans ses relations avec les peuples à demi barbares de l'Espagne ; elle obéissait à sa voix, le suivait partout sans craindre le tumulte des camps. Ce n'est pas là un fait isolé. Ovide 13, en décrivant le cerf de Cyparisse, et Virgile 7'`, celui de Silvie, avaient sans doute sous les yeux quelques-unes de ces belles bêtes habituées, elles aussi, à répondre à l'appel d'un maître, à manger à sa table, à sortir, à rentrer librement, à se prêter à ses caresses et à ses soins, à recevoir des parures de toutes sortes, guirlandes de fleurs, pompons, chaînes enrichies de pierreries, colliers d'or, d'où pendait parfois quelque ornement ou amulette, comme une défense de sanglier, bulles d'argent fixées au front avec de minces courroies, pendants d'oreilles d'airain, en forme de baies ou de perles, etc. u. On les baignait, on peignait leur poil luisant, on dorait leurs cornes 76. Quelquefois on les attelait à des chars ; on s'en servait comme de montures, avec des brides blanches ou des rênes de pourpre, avec une sangle à boutons de cristal 17. L'usage d'avoir des cerfs apprivoisés qu'on laissait sortir librement, courir dans les bois et rentrer à leur gré, devint assez commun sous les empereurs romains pour que la propriété de ces animaux dût être réglée par la loi. a Personne, dit le législateur, ne peut nier qu'ils ne soient sauvages de leur nature... ; ils sont considérés comme à vous, tant qu'ils ont la volonté de revenir, etc. 18. » Nous ne reproduirons aucun des nombreux monuments où l'on voit figurés un cerf, un daim ou une biche à côté de Diane, d'Apollon, de l'Amour ou d'autres dieux"; mais il n'est pas douteux fES 693_ BES que les artistes qui rendaient d'une manière si juste dans ces ouvrages leurs mouvements familiers, les avaient vus s'ébattant, paisibles et caressants, dans la compagnie des hommes. On voit ces animaux quelquefois attelés au char où la divinité est assise : c'est ainsi que la prêtresse d'Artémis Laphria paraissait en réalité traînée par des cerfs 80, dans la procession qui faisait partie de la fête de la déesse à Patras. On voit aussi, dans la pompe de Ptolémée-Philadelphe81, des cerfs accouplés à des biges, ainsi que des antilopes, des gazelles et d'autres bêtes de la même famille. Ils figurèrent souvent ainsi dans les fêtes des Romains S2. Un basrelief du musée du Puy représente un repas où un cerf familier vient prendre sa part 83. Dans une peinture de vase grec 84; un enfant est à cheval sur un daim (fig. 828). II en fut de même d'autres bêtes non sauvages, mais que nous ne pouvons placer ici, parce que leur domesticité n'allait que rarement jusqu'à en faire des animaux familiers. Des boucs , des chèvres, des moutons étaient attelés quelquefois à des chariots d'enfant: on voit ici (fig. 829) une petite voiture tirée par des boucs, d'après un vase grec 86 ; d'autres fois ils servaient de monture 86. Singe (,tCOs xog, simia, simius,). Parmi les animaux sauvages admis dans la familiarité de leurs maîtres, il faut distinguer les singes, qui aujourd'hui jouissent encore quelquefois de ce privilége. Les singes étaient recherchés en Grèce six siècles avant notre ère 87. On les introduisait dans les banquets pour faire rire les convives. Le musée du Louvre possède des figurines de singe plus anciennes encore. Selon une ancienne légende, les îles Pithécuses (II684o1Jaaat, de .xiOrlxoc, singe), en face de Naples, auraient été primitivement peuplées de singes, Jupiter ayant changé en singes les Cercopes, leurs habitants, à cause de leur mauvaise foi 8". Ce qui est sûr, c'est qu'au ve siècle avant J.-C., ces animaux étaient considérés comme la personnification de la laideur 89 et que leur nom servait aussi à désigner plusieurs vices. Ainsi Phrynichus, dans sa comédie intitulée l'Homme franc, Movdiponoq 80, traite certains personnages de « grands singes d'espèces diverses, l'un lâche, l'autre flatteur, l'autre bâtard. s' Mais le singe semble avoir été particulièrement le symbole de l'adulation vile et de l'hypocrisie : de là une foule de mots analogues aux expressions françaises singer, singeries, itIOrlxl Au Ive siècle avant Jésus-Christ, le singe était en grande faveur dans la Grèce. Théophraste 92 parle des gens qui excellent à nourrir des singes, et qui se vantent de posséder un tityre , grande espèce des plus rares alors. Un petit vase inédit du musée du Louvre , d'où est tirée la figure 830 appartient à cette époque. Avant Alexandre, les Grecs ne connurent probablement que les singes de Libye; il y en avait, selon HIérodote 9s une grande quantité dans le pays dos Gyzantes. Posidonius 94 vit dans ces mêmes contrées une forêt qui en était toute peuplée et prit plaisir à observer leur figure et leurs moeurs. De bonne heure la manie d'élever des singes passa en Italie 9S. On en voit représentés dans les peintures des tombeaux étrusques 96. Au temps des guerres puniques, environ deux siècles avant J.-C., ces animaux étaient assez communs à Rome pour n'avoir pas une grande valeur97. Bien que la rencontre d'un singe fût un mauvais présageS", on en eut dans les maisons, comme nous avons des chiens, des chats, etc. 99. Ils s'y reproduisaient, et l'on prenait plaisir à voir les femelles porter leurs petits dans leurs bras, les présenter à tout le monde et solliciter pour eux des caresses 100. On les laissait jouer avec les enfants m1 ; une peinture de Pompéi (fig. 831) 102 représente un en fant armé d'un fouet, qui fait danser un singe revêtu d'une tunique à capuchon et maintenue par un lacet attaché à son cou. Comme tous les animaux qui vivaient dans la familiarité des hommes, ils ont été représentés sur 8ES 694 DES les tombeaux 103. fis trouvaien t place dans les rêves, comme les objets les plus usuels 101. On portait avec soi de petits singes, dans les plis de sa robe 905; on les choyait. Il y avait les cercopithèques. ou singes à queue106, les tityres ou satyres 107, dont on trouvait la figure agréable et la vivacité amusante, les sphinx qui se familiarisaient très-aisément. On dressait ces animaux à divers exercices, à danser, à jouer de la flûte ou d'autres instruments t06, à monter à cheval en se servant de la bride et du fouet 109, à éviter les traits qu'on leur lançait, à prendre part à différents jeux, en imitant les hommes1i0 Malgré leur lubricité excessive et leur laideur, les singes restèrent fort à la mode dans l'empire romain 171; on leur donnait de petits noms d'amitié, lutté, Mtu.o5112, on s'amusait de leurs grimaces. Les darnes, tout en faisant de leur nom un synonyme de laideron13, affublaient leur singe favori de divers costumes souvent fort riches : de là les proverbes : « Une guenon est toujours une guenon en dépit de tous les hochets 14 ; C'est un singe sous la pourpre 15, etc. Naturellement le singe entra de bonne heure dans la société des baladins, des saltimbanques et des charlatans [ciaeuLATOa, voy. p. 23, fig. 45]; naturellement aussi il figura dans de nombreuses caricatures. Nous avons vu que, chez les Grecs, il était le symbole de la méchanceté lâche, de l'hypocrisie et de la basse flatterie. Dans Plaute, un sycophante porte même le nom de guenon, Simiz 116 comme qui dirait faiseur de grimaces. Dans la description grotesque que fait Apulée de la procession d'Isis, figure un singe, coiffé du bonnet phrygien appelé PILrus, affublé d'une robe jaune à la phrygienne, et une coupe d'or à la main, pour représenter Ganymède 117. Les collections renferment de petits vases, des figurines grecques en terre cuite, représentant des singes habillés, qui ne sont autre chose que des caricatures 113. Sur une lampe romaine , on voit une guenon coiffée du TUTULUS, jouant avec deux petits bâtons dans chaque main ; elle se prélasse d'un air satisfait dans une barque dont la proue se termine en tète d'âne 119. C'est une image grotesque de la vie, où la malice, en se jouant, se l'ait servir par la sottise. Une peinture de Pompéi 1"0 offre, sous les traits de trois cynocéphales la caricature du groupe d'Énée portant Anchise et suivi du jeune Ascagne. Dans la curieuse peinture d'un vase de la collection Hamilton, où un Hercule bouffon, bossu et ventru, porte sur l'épaule gauche deux grandes mannes, l'une devant , l'autre derrière, renfermant chacune un singe f21, Ottfried Müller a reconnu une parodie de la pièce homérique des Cercopes 1"2. Lièvre (naytés, lepus), lapin (Sxcvicous, cuniculus). On essaya aussi d'apprivoiser le lièvre. Cet animal ne dépouille jamais complétement son naturel sauvage. Quelques exemples de lièvres familiers sont mentionnés par les auteurs. Tel fut le lièvre célébré dans une jolie épigramme de Méléagre 124 : il avait été donné tout petit à. la courtisane Phanium ; elle le choyait, elle le nourrissait de fleurs embaumées, tant et si bien qu'un beau jour il mourut d'indigestion. De très-nombreux vases peints représentant des scènes familières, soit dans l'intérieur des habitations, soit aux bains ou à la palestre 124, montrent le goût que les Grecs avaient pour les lièvres et peut-être pour les lapins, et le degré de privauté où ils savaient les amener. Ces animaux sont constamment figurés entre les mains ou sur les genoux de jeunes femmes et de jeunes gens. Au fond d'une coupe du musée de Berlin (fig. 832), on voit un jeune garçon qui tient un lièvre, attaché comme un petit chien, au moyen d'une laisse 125. C'était un des présents d'amour les plus usités et les plus agréables à ce qu'il semble. Le lièvre, était un des symboles de l'ardeur érotique 126; il était consacré à Vénus. Un jeu de mots, lepus, lepor, a peut-être donné naissance à un préjugé populaire : on croyait, qu'après avoir mangé de la chair de cet animal on embellissait pendant neuf, d'autres disaient sept jours 1V7. On voit fréquemment le lièvre ou le lapin dans les mmres d'art, à côté de l'Amour, de Vénus, des Satyres, etc. Dans un bas-relief en marbre de la villa Albani'°8, qui représente deux poètes, l'un tragique et l'autre comique, un lièvre figure près de ce dernier : il est peut-être à cette place le symbole des obscénités qui, dans la comédie antique, étaient toujours en possession de faire rire les spectateurs 129. La souris (u.'s, mus) fut quelquefois apprivoisée. Les enfants savaient lui tendre des piéges 130, et après l'avoir saisie, l'atteler à un petit chariot 131 Serpent (oyts, So«xwv, serpens, anguis, draco). -Le serpent compte aussi parmi les animaux familiers : on le relie contre à ce titre dans les plus anciennes légendes. Ajax avait un serpent de cinq coudées qui le suivait comme un chien et mangeait avec 1ui132. Nous ne parlerons pas ici des serpents consacrés à des divinités, nourris dans les temples ou considérés comme génies locaux [DRACO, GENIUS], ni de ceux qui figurent sur les tombeaux comme un symbole de l'héroïsation du défunt [nEROS]. Rappelons seulement que les serpents vivaient familièrement avec les femmes qui les nourissaient 133 (fig. 833) ; ils les tettaient même, se laissaient manier, dormaient avec les enfants, etc. En Thrace et en Macédoine particulièrement, les femmes se livraient à ces pratiques étranges °34. De là le facile crédit des légendes d'Olympias, mère d'Alexandre, et du serpent dont Jupiter-Ammon aurait pris la figure 135. Dans la Grèce proprement dite, à la même époque, on trouve les mêmes pratiques superstitieuses avec les serpents familiers, mais elles sont considérées comme des jongleries'''. Ces reptiles semblent avoir été de la même espèce que ceux d'Epidaure : c'était le serpent paria ou aux grosses joues, appelé aussi peu-dos, à cause de sa couleur cuivrée'''. Les serpents furent dé même introduits à Rome, comme animaux familiers, sous le manteau de la religion. En l'an 498 de la fondation de cette ville, 365 av. J.-C., pendant une épidémie, on alla chercher à Épidaure le serpent qui était le symbole d'Esculape [AESCULAPIUS]. Il y en avait toujours dans les sanctuaires de la Bonne Déesse [B0NA DEA]. On éleva des serpents dans les maisons, et ils s'y multiplièrent au point de devenir un danger dont on n'était délivré que par les incendies très-nombreux à Rome13'. Ces serpents familiers, d'une innocuité parfaite, appartenaient, à ce que l'on croit, aux espèces appelées aujourd'hui coluber flagelliformis (Daud.), coluber constrictor (Linn.), coluber viridiflavus (Lacép.), etc. Ils devenaient d'une familiarité extrême, suivaient partout, et même à table, les personnes auxquelles ils étaient habitués, rampant parmi les coupes et se glissant, sans faire aucun mal, dans le sein des convives. On les touchait sans crainte, on les laissait jouer avec les enfants 159. Tibère avait un de ces serpents dont il faisait ses délices, et qui venait manger dans sa main 140. Les femmes, au temps de Martial, enlaçaient autour de leur cou des serpents privés, qu'elles laissaient flotter sur leur sein comme des colliers, pour se rafraîchir par le contact de ces animaux à sang froid 141. Tortue (ye),nrvg, testudo). On voit aussi sur un vase 142 l'image d'un jeune garçon (fig. 834), probablement un servant de l'autel [cxsmmuS], jouant avec une tortue qu'il tient suspendue et présente à un chien de Mélite. Dans une des chambres sépulcrales de Cervetri 143, dont les parois sont couvertes de peintures représentant les objets qui avaient été à l'usage des morts, ainsi que leurs animaux domestiques, on voit avec des chats, des oies, des canards, de I petites tortues semblables à celles qui se rencontrent encore dans les bois voisins. Lézard (aaûpug, lacerta). -Des enfants s'amusaient aussi à prendre des lézards, et à les attacher par un fil 144 En fait d'animaux familiers, quelques personnes avaient des goùts plus bizarres encore. Martial parle de la passion d'un certain Marius pour une mangouste (ichneumon)745. Cet animal d'ailleurs s'apprivoisait aisément et demeurait fidèle à son maître. Il était consacré à I ( Latone et à Lucine 148 Î MENT. Comme les dompteurs modernes, les anciens employaient la terreur pour vaincre le naturel farouche de cer tains animaux 147: ils -.- bitués à souffrir les coups (verbera solitus leo ferre), de tigres subissant patiemment le fouet (indulgent patientiam /lagello 148). Une pierre gravée du cabinet de Florence 149 re BES 696 BES présente (fig. 835) un personnage vêtu comme l'étaient ordinairement les bestiaires [BESTIARIUS, YENATIO] qui, le fouet dans une main, de l'autre tenant un appât, réunit ainsi les deux moyens ordinairement employés par les dompteurs. Avoir la posture de l'ours placé près de lui, on comprend qu'il a déjà dépouillé sa férocité. On prenait ces animaux farouches par la fatigue et la faim; l'habitude de recevoir leur pâture de la même main finissait par les rendre doux et familiers avec celui qui subvenait à leurs besoins ; Philon le Juif dit même avec d'autres personnes, à cause de la ressemblance, sans doute 1s0Ces deux moyens, la crainte et la reconnaissance, étaient ordinairement combinés : souvent aussi on se contentait du dernier161: on y joignait les caresses de la main( palpatie): on avait observé que les animaux éprouvent à de certains attouchements une sensation agréable, qu'ils s'y prêtent, qu'ils les cherchent, qu'ils aiment jusqu'au bruit que fait la main en les frappant légèrement m. De là les noms donnés par les Grecs et par les Latins aux animaux apprivoisés (XEtpor,011, mansueta, habitués à la main). Tous ces procédés réussissaient d'autant mieux que l'animal avait été pris plus jeune. Élien parle d'une panthère qui avait fini par refuser la proie vivante qu'on lui offrait : elle était familière comme une chatte avec le maître qui l'avait élevée. Eudème 'S4 raconte une histoire d'un chasseur qui avait pour hôtes habituels et pour commensaux un lion, une ourse et un chien qu'il avait pris tout petits et élevés ensemble. Mais, quelle que fût la méthode appliquée, l'apprivoiseur, (mansuetariuee, g scpo2lis, -iOeeecu-i,,s), avait besoin de longs et patients efforts'". II inspirait quelquefois à ses dangereux élèves une affection étonnante 15ft Sénèque atteste avoir vu dans l'amphithéâtre un lion qui défendit des attaques des autres bêtes un bestiaire qui avait été son maître et qu'il reconnut dans l'arène 157 L'astrologie prétendait que les meilleurs mansuetarii se trouvaient parmi les hommes qui naissaient au moment où, le Lion se levant, la Grande Ourse, au plus bas de sa révolution, commence à remonter, et où, pareillement, au lever du Scorpion, la Petite Ourse, parvenue au méridien sous le pôle, reprend son mouvement ascensionnel 158. On avait aussi recours à la musique : les Grecs avaient peut-être emprunté ce procédé aux Indiens, qui pensaient que la musique seule peut adoucir le naturel farouche des éléphants déjà forts, et leur jouaient, pour s'en rendre maîtres, un air du pays sur un instrument appelé scindapse 159. Un bas-relief 760 représente une joueuse de flûte apprenant à un chien à danser : il se dresse sur ses pattes de derrière pour atteindre un morceau de viande attaché à une branche d'arbre. tandis que la jeune femme joue de son instrument. C'est le même moyen qui est employé par une cithariste que l'on voit dans un autre bas-relief 16i (fig. 837), mais ici c'est un chat qu'on exerce. en lui offrant pour appât deux oiseaux suspendus à un arbre. En Europe, on employait avec succès la syringe et la flûte pour apprivoiser les animaux sauvages 169. Selon Varron, on obtenait par le tambour des effets non moins surprenants 163. Les Étrusques se servaient même de la musique pour la chasse au cerf 164. Dans tout cela, comme nous l'avons dit, plusieurs prétendaient imiter et surpasser Orphée. Hortensius, chez les Romains, se distingua par ces étranges passe-temps. Il avait une forêt de 50 jugères, entourée de murs en pierres sèches, qu'il appelait, non pas un leporarium, mais un O lpto-polpEfov, une ménagerie. Là, était une sorte d'amphithéâtre où l'on dressait une table pour souper. Hortensius faisait venir un musicien qu'il nommait Orphée. Ce personnage arrivait dans le costume traditionnel du chantre inspiré de la Thrace, avec une longue robe et une lyre, et, sur l'ordre du maître, il sonnait de la corne appelée BUCINA on voyait alors accourir une multitude de cerfs, de sangliers et d'autres animaux 1ti5. C'était, dit Varron, un spectacle tragique : il n'y manquait que la catastrophe sanglante. Sous Domitien 166 grand amateur de pareils drames mythologiques, on y introduisit des animaux féroces, qu'on croyait apprivoisés; parfois « désapprenant la paix, » selon l'expression de Martial, ils dévoraient les hommes qui avaient un rôle dans ces scènes étranges : alors la tragédie était complète. Pour l'apprivoisement des serpents, animal plus souvent et plus directement mêlé que les autres aux pratiques religieuses (il n'est pas question des sacrifices), plus employé aussi dans des jongleries de toutes sortes, on avait recours de préférence à des moyens mystérieux, à des incantations ou chants magiques, à des attouchements. Par les premiers,on prétendait les «désarmer de leur venin 167»; nous avons vu qu'en général on se servait de ceux qui n'en ont pas ; par les autres, on était censé les assoupir. C'était un art particulier : ceux qui l'exerçaient s'appelaient ùtcSot, charmeurs ou enchanteurs, zeNdoOg,pat et iS!oStô,xTXI, chasseurs de serpents. Cet art fut pratiqué de bonne heure partout, mais principalement en Afrique, chez les Marmarides et les Psylles [PSYLLUS] 168. Toutefois, ainsi que la plupart des enchantements, il exista dès les temps les plus reculés en Italie, chez les Sabins et chez les _parses surtout 1". Le prêtre Marrubien Umbron, dans l'Énéide 170, possède à fond l'art de charmer les serpents par le chant et le toucher. On employait aussi dans ces avec lui En place d'orge, on mettait dans sa mangeoire des raisins secs ; on l'amenait à l'empereur couvert d'une housse de pourpre, dans la maison de Tibère. Vérus lui fit élever sur le Vatican un superbe tombeau 184 Ausone, à la demande de l'empereur Valentinien, écrivit pour Phospho BES 697 BES pratiques certaines herbes 171. En Afrique, on faisait servir le serpent ainsi dompté à une épreuve bizarre : il devait constater la légitimité d'un enfant ; si le reptile mis en sa présence ne fuyait pas, le nouveau-né était regardé comme le fruit de l'adultère 178. BESTIAE DOItIESTICAI, ivotxiôta aDIM(JUx domestiques. Le cheval (ï7t7toç, equus), dont il sera parlé ailleurs [EQUUS], figure, comme la plupart des animaux domestiques, parmi les animaux familiers. De bonne heure, il fut le compagnon de l'homme en ses glorieux travaux, en ses plus nobles amusements m, et les poètes se sont plu à le représenter comme sensible à cet honneur. Dans l'Iliade 174, les chevaux d'Achille, qui déjà ont leurs noms propres, pleurent Patrocle mort, comme dans l'Enéide 175, Æthon, le cheval de Pallas, verse de « grosses larmes » aux funérailles de son jeune maître. Du reste, la passion des anciens pour les chevaux est fameuse ; elle fut développée àl'excès par les grands jeux de la Grèce, où les prix remportés dans les exercices équestres étaient si glorieux et si enviés 176. L'histoire mentionne quelques exemples caractéristiques de cette passion pour les chevaux, surtout pour ceux qui avaient remporté de brillantes victoires, ou qui se distinguaient par quelques qualités particulières 'n. Alexandre, après avoir fait à son Bucéphale de royales funérailles, lui éleva un tombeau, autour duquel fut bâtie une ville appelée Bucéphalie 178. Les maîtres de la Rome impériale ne restèrent pas en arrière de ces folies. César, comme Alexandre, eut un cheval favori à qui il érigea une statue 179. Auguste éleva aussi un tombeau à son cheval, et Germanicus fit à ce sujet des vers qui existaient encore au temps de Pline '80. On peut voir dans Suétone 181 les extravagances où Caligula fut entraîné par sa passion pour son cheval Incitatus. Adrien 188, qui aimait également les chevaux et les chiens, rendit les plus grands honneurs à son cheval Borysthènes : il lui consacra une stèle avec une épitaphe composée par lui, et retrouvée à Apt, en 1604 183 Vérus renouvela pour Volucer, cheval du cirque et de la faction des Verts, les folies de Caligula : il fit faire de cet animal une image en or, qu'il portait con rus, cheval favori de ce prince, une épitaphe qui se trouve parmi ses oeuvres Indépendamment des qualités qu'on demande ordinairement aux chevaux par le dressage, on en habitua quelquefois à faire des tours de force ou d'adresse. Les Sybarites avaient des chevaux qu'on faisait danser pendant les repas, au son des flûtes 186. On voit (fig. 837) sur une lampe romaine du musée du Louvre un cheval à qui son conducteur apprend à se tenir debout sur ses jambes de derrière. Le chien (xlimv curais, xuv(Stov, cumins, catellus) fut, entre tous les quadrupèdes, l'animal familier par excellence. Nous n'avons à parler ici que de la part qu'il avait à l'affection de son maître et de la place qu'il tenait dans les habitudes quotidiennes. Nous renvoyons pour le surplus à un article spécial [CANISJ. Les écrivains de toute sorte célèbrent à l'envi son attachement pour l'homme, et dès l'antiquité la plus reculée, il est le symbole de la fidélité. HIomère 787 a immortalisé le chien d'Ulysse, Argus, qui, épuisé de vieillesse, meurt en témoignant sa joie de revoir son maître. L'art a souvent reproduit ce touchant épisode de l'histoire des animaux [ULYSSES].La figure 838 représente, d'après une pierre gravée antique, le retour du héros et son chien qui s'avance vers lui. Il sort d'une hutte de berger telle qu'on en trouve encore en usage dans certaines contrées du Midi 188. Dans des siècles où la chasse était un délassement et une nécessité, où l'on menait surtout la vie pastorale, les chiens devaient être inséparables des hommes. C'est un trait caractéristique des moeurs patriarcales, que le maître, même dans les circonstances les plus importantes, est accompagné de ses chiens. Télémaque se rend à l'assemblée du peuple, et deux braves chiens vont avec lui '". Évandre, dans l'Enéide, est également accompagné de ses deux chiens de garde, quand il reçoit Enée 190. Cet usage se perpétue chez les princes de l'Afrique; au temps des guerres puniques, il existait encore ; toutefois Salluste mentionne comme une singularité cette circonstance de l'entrevue de Syphax et de Scipion, que le prince numide était debout avec deux chiens à ses côtés 191 Après la mort d'un homme on immolait quelquefois ses chiens sur son tombeau 19'. Suivant une légende rapportée par Elien 197, les cinq chiens du berger Daphnis ne voulurent pas survivre à leur maître. Ce compilateur attribue la même preuve d'attachement au chien Augéas, qui appartenait au poète comique Eupolis : il mourut sur la tombe de son maître, et le lieu reçut de cette circonstance le nom de Kuvèç 0p7jvot, Pleurs du chien. L 88 BES De semblables exemples abondent chez les anciens 190. Les chiens favoris ne quittaient pas leur maître pendant le repas : on les voit, sur les plus anciens vases peints, attachés sous les tables (fig. 839), d'où leur nom de zuveç 7pane laç 196 ; sur d'autres ils accompagnent leur maître au bain ou à la palestre". Certains chiens se vendaient à des prix excessifs : celui à qui une fantaisie d'Alcibiade a fait une renommée proverbiale, avait coûté soixante-dix mines (6,650 fr.)197 Mais ce qu'on rechercha dans cet animal, à certaines époques, ce furent moins ses qualités utiles que la gentillesse qui distinguait quelques espè ces. Comme les temps modernes, l'antiquité eut ses chiens damerets, soignés, choyés, parés par leurs maîtres, et surtout par leurs maîtresses. a Faites au chien une couche bien douillette, dit un personnage d'une comédie d'Eubule, parodie de la légende de Procris 196 (où figure un chien fameux, Lulaps, présent de Diane), un bon tapis de laine de Milet, et, par-dessus, une couverture de pourpre. Faites-lui une pâtée de gruau et de lait d'oie : oignez-lui les pattes de mégalion (sorte de parfum très-estimé) 1". » On se faisait une sorte de gloire d'avoir des chiens de certaines races, de Laconie 200, par exemple, ou de Malte, et sur les tombeaux qu'on élevait à ces animauxprivilégiés on écrivait volontiers : KAAOOX MEA1TAIO2, rejeton de Malte20' Épaminondas avait un petit chien de cette espèce 2°2 Les Me).rra'a xuvi8tx, facilement reconnaissables à leur petite taille, à leur museau pointu, à leurs oreilles droites, à leur queue relevée et touffue, sont fréquemment représentés dans les scènes familières que l'on rencontre sur les vases peints : on les voit accompagner partout leurs maîtres ou demeurer à l'intérieur des habitations, servant (l'amusement aux femmes, avec les oiseaux et les autres animaux que l'on y nourrissait. La figure 840 montre deux de ces chiens tenus en laisse au moyen d'une courroie (ïµs) et d'un collier (neytov) 003, et on a vu plus haut (fig. 835), un chien de même espèce, qu'un jeune garçon excite en lui présentant une tortue. Cette mode, comme la plupart des usages grecs, se retrouve en Italie, d'a bord dans les villes de la Grande-Grèce, puis à z s Rome même. Les Syba rites partageaient leurs affections les plus vives entre les nains qu'ils appelaient stilpons et les petits chiens de Malte dont ils se faisaient suivre partout200. Tertia, fille de Paul-Émile, avait, avant la guerre de Macédoine, un petit chien qui s'appelait Persée, comme le roi de ce pays, dont triompha son père 2". Vers la fin de la république, certaines gens, des étrangers, dit Plutarque, ne sortaient jamais sans porter dans leur sein de petits chiens à qui ils prodiguaient des caresses, si bien que le dictateur César leur demandait si chez eux les femmes ne faisaient point d'enfants 206 Massinissa, roi de Mauritanie, faisait, dit-on, la même question aux Sybarites qui venaient acheter des singes dans son pays; car ils étaient passionnés pour ces animaux autant que pour les chiens de Malte 207. On choyait ces bêtes de prédilection : on les ornait de rubans, on leur donnait des noms gracieux ; quelquefois, à force de les bourrer de friandises, on en faisait des espèces de monstres200. Ces chiens devinrent un joujou pour les enfants, pour les femmes et pour les favoris du maître 209 : malheur à qui n'était pas aimable avec le petit chien 210 ! Cette mode devint générale surtout parmi les femmes ; elles avaient partout avec elles, à table, et jusque dans leur lit, le petit chien aimé 211.On peut voir un sarcophage romain, au musée du Louvre 212, qui représente un épagneul couché sous le lit d'une femme, à côté de ses sandales. C'est aussi un épagneul, à ce qu'il semble, que l'on voit entre un enfant et une jeune femme, dans un bas-relief du musée du Capitole, reproduit plus loin (fig. 844) ; ailleurs sont figurés de même des lévriers, ou des chiens de chasse ou de garde, dont nous n'avons pas à parler ici : disons seulement qu'ils étaient admis quelquefois dans la même familiarité "3. Mais les chiens préférés étaient de mignonnes petites bêtes qu'on tirait de la Gaule 210, de la Sicile 216 et de Malte 216. Parmi les présents à emporter (â7coii,deTe), qu'en certaines occasions un I3ES --Of) 8ES maître de maison faisait à ses convives, on voit figurer entre autres animaux les petits chiens gaulois 217. Martial a chanté avec beaucoup de grâce Issa, la chienne de Publius 278; il faut voir dans cette jolie pièce le degré d'éducation qu'on savait donner à ces animaux qui avaient leurs entrées dans les plus somptueux appartements, qui reposaient sur de moelleux coussins, sur l'épaule ou sur le sein de leurs maîtres "9. On crut même reconnaître ainsi qu'ils étaient bons à autre chose qu'à servir de joujoux, qu'ils pouvaient guérir certaines affections de l'estomac. On en calmait les douleurs par l'application réitérée de petits chiens de Malte sur la partie malade. On croyait même que le mal passait ainsi à ces animaux parce qu'ils tombaient dans un état de langueur, souvent suivi de mort 220. Nul soin, du reste, n'était épargné pour ces bêtes favorites : « de peur que la dernière heure ne les enlevât tout entières, » on faisait faire leur portrait. Le maître d'Issa avait fait peindre sa chienne, et Martial se récrie sur la ressemblance du portrait autant que sur la beauté du modèle. Les petits chiens ne cessèrent jamais d'être fort recherchés : au ve siècle après J.-C.. cette manie dure encore 22t On ne confiait le soin de ces bêtes de prédilection qu'à des serviteurs choisis. De nombreuses inscriptions por nous révèlent l'existence de cet office. On leur élevait aussi des tombeaux plus ou moins somptueux, des monuments de marbre, avec des inscriptions, souvent en vers, attestant l'affection du maître et ses regrets". On les faisait représenter aussi sur la tombe des personnes qui les avaient aimés 224. Trimalcion recommanda de placer sur la sienne l'image de sa petite chienne aux pieds de sa statue, et, à sa droite, la statue de sa femme tenant une colombe et menant en laisse une petite chienne 226 Le chat (aiaovpoç, ixTtç yc agi, Yâ'ttoç, foies, felis, cattus) ; la belette (mustella). Le chat tenait-il dans la maison des anciens, Grecs, Étrusques et Romains, la place qui lui est accordée chez les modernes ? On a douté à tort que le chat ait été un animal vraiment domestique avant une époque avancée de l'empire romain. Élien 226, au ne siècle, remarque, à l'honneur du chat, qu'il se montre reconnaissant du bien qu'on lui fait, et s'attache aisément à la personne ou à la maison qui le nourrit. On voit (fig. 841), dans les peintures des tombeaux de Caere et de Tarquinii227, des chats qui jouent, pendant le repas, sous les lits et les tables, avec des coqs et des perdrix privées, ou qui saisissent des souris et des lézards 228. Un chat est représenté avec un coq sur le tombeau d'une jeune fille gallo-romaine 229. Un bas-relief déjà cité du musée du Capitole (voy. plus haut, fig. 837) représente un chat que l'on dresse à danser au son de la lyre. Toutefois la ya),îlj, chatte ou belette (question de synonymie zoologique difficile à résoudre 250) paraît avoir été un animal toléré dans la maison 23t pour faire la guerre aux souris et aux rats 232 plutôt qu'il n'y était aimé. Simonide en fait un triste portrait dans sa peinture des femmes assimilées à divers animaux 233. On avait observé le caractère de cet animal rusé, voleur, aimant à se coucher mollement et à longuement dormir 234. Un comique 236 avait mis en scène un Grec et un Égyptien , le Grec, comparant les mœurs des deux peuples, dit : « Si vous voyez souffrir un chat, votre coeur s'émeut ; pour moi, ce serait un plaisir de le tuer et de l'écorcher. » Une mosaïque de Pompéi, qui représente un chat dévorant un oiseau 236, est comme la traduction figurée de quelques épigrammes des Anthologies 2-97 applaudissant à la mort de chats tués pour avoir mangé un oiseau favori, ou étouffés par le bec de leur victime, qui leur est demeuré trop avant au gosier. OISEAUX (ave.s, 6'pvt8e,). Au premier rang parmi les animaux qui avaient place dans I'affection des hommes, étaient les oiseaux de diverses espèces, intéressants à quelque titre, soit par les sentiments dont ils étaient les symboles, soit par quelque qualité particulière, comme les oiseaux chanteurs et les oiseaux parieurs. Oiseaux carnassiers, aapro' 'at, carne"vorre. -Quelques personnes firent de certains oiseaux carnassiers, comme de certains quadrupèdes féroces, des animaux apprivoisés et même familiers. Une épigramme d'Apollonide 238 mentionne un aigle dont on avait adouci le naturel au point qu'il se laissait caresser de la main. Cet aigle appartenait à Néron. Vers la même époque, Pline parle d'un aigle apprivoisé jusqu'à la familiarité la plus extraordinaire par une jeune fille de Sestos 239. On admettait même dans les maisons avec quelque familiarité lotus ou nictycorax (moyen duc) et le scops (petit duc), qui étaient quelquefois désignés sous le nom commun d'asio. On en faisait des sortes de singes ailés, imitateurs, parasites et danseurs24o Parmi les peintures de la maison des Foulons, à Pompéi, représentant le travail de ces artisans, on voit un homme qui porte la cage sur laquelle on étendait les étoffes après les avoir nettoyées , sur cette cage une chouette est perchée. La chouette, oiseau de Minerve, était honorée dans tous les métiers est On voit aussi, dans quelques peintures de vases grecs ou sur des pierres gravées, des oiseaux qui ressemblent à des oiseaux de proie, placés à côté de femmes et de jeunes gens, ou associés à des scènes mythologiques, et il est difficile de décider si, comme on l'a dit, ils ont été placés là dans une intention purement symbolique, par exemple pour représenter le fabuleux iynx(yuy , picus torquilla) consacré à Vénus et dont le chant inspirait l'amour 242; ou simplement des oiseaux plus habituellement familiers, tels que les faucons (lép«l, accipiter), employés dès lors à la chasse [vr.NATIo]. Mais ce sont là des exceptions nécessairement fort rares. Les oiseaux familiers étaient, en général, chez les anciens comme chez nous, ceux dont le naturel est doux, les formes élégantes, l'humeur vive, la voix agréable ou remarquable par quelque particularité, telle que l'imitation de la parole humaine. C'étaient la colombe, la tourterelle, le moineau, le rossignol, l'étourneau, le perroquet, la pie, le corbeau et quelques autres. Colombe (7.aptcrspd, quelquefois 7€aet«, columba,) ; tourterelle (Tpuydv, turtur) ; moineau ou passereau (eurpouOdc, passer) ; perdrix (7cépôt, perdix) ; caille (dprur, coturnix), etc. Tous ces oiseaux, très-lascifs, étaient consacrés à Vénus. Nous n'avons pas à nous occuper des œuvres d'art très-nombreuses où ils se trouvent en rapport avec cette déesse, ou avec son fils, mais seulement de celles qui les montrent se jouant librement au milieu des détails de la vie de famille, offerts en présent par des amants 243, ou servant d'amusement à des femmes. Nombreux sont les vases peints et autres monuments où ces oiseaux ont une signification amoureuse 244 ; d'autres, où cette intention n'est pas marquée, témoignent que les jeux et le chant de ces oiseaux étaient pour les femmes et les enfants un de leurs passetemps habituels (âabpiaoem) 245. Sur les petits vases à parfums à l'usage des femmes, où sont fréquemment figurés de jeunes enfants jouant, on en voit qui s'amusent ainsi avec des oiseaux246. Nous en citerons un sur lequel, à côté d'un Amour qui tourne 247 vers lui la tête, se tient un petit oiseau coiffé d'une sorte de cas que et l'aile gauche couverte d'un bouclier rond (fig. 8421. Théophraste parle d'un geai (xol,oros) qui était ainsi armé 248. Dans une comédie d'Anaxandride, un personnage employait des colombes et des moineaux comme auxiliaires de son amour 248. La colombe d'Anacréon, célébrée par lui 250, buvait dans sa coupe, mangeait dans sa main, voletait autour de lui et dormait sur sa lyre. Non moins célèbre est le passereau de Lesbie, immortalisé par Catulle'''. Il ne quittait guère le sein de sa maîtresse, voltigeait autour d'elle, ne chantait que pour elle : elle aimait à jouer avec lui, à l'agacer, à se faire mordiller le doigt. Un roi de Chypre, s'il faut en croire un poète comique, se faisait ventiler pendant ses repas par des colombes familières. Il s'oignait d'un parfum de Syrie, tiré d'un fruit dont se nourrissent les colombes ; ces oiseaux, attirés par l'odeur, venaient en volant pour se poser sur sa tête ; des serviteurs alors les en écartaient doucement ; et dans ces mouvements d'allée et de venue, leurs ailes agitant l'air procuraient au prince une agréable fraîcheur 252 Aristote 251 distinguait cinq espèces de colombes : 1° la vinagine , oivds ; 2° le petit ramier , lds, ; 3° le grand ramier, pdec« ; 4° la tourterelle, Tpuyôro ; 5° la colombe proprement dite, 7cep; spd, qui était la plus facile à apprivoiser. Nous ne parlerons pas ici des pigeons que l'on élevait à la campagne et pour lesquels on cons truisait de vastes colombiers [COLUMBARIUM]. Les colombes apprivoisées s'appelaient TiO«C, Tt0«ce«C; l'apprivoiseur ( Tt6«ceoTpdi,oç âvr p) avait des moyens artificiels pour leur donner des couleurs variées qui augmentaient la valeur vénale de ces jolis oiseaux 254, payés quelquefois des prix très-élevés 255 On préférait, pour les apprivoiser, les colombes de Sicile et celles de Chypre : les premières , pour l'élégance de leurs formes ; les unes et les autres, comme rappelant surtout la déesse honorée dans ces contrées d'un culte particulier, et provenant de celles qu'on élevait dans ses temples 456 On avait pour les colombes familières mille petits soins délicats : on les baignait dans des eaux de senteurs 257; et, si l'on en avait plusieurs, chacune exhalait un parfum différent 358. On les chantait en petits vers doucereux. Un poète du temps de Martial, Stella Laruntius de Padoue, voulant rivaliser avec Anacréon et Catulle , avait consacré à la colombe qui faisait les délices de sa maîtresse et les siennes, un petit poème que quelques-uns trouvaient supérieur au Moineau de Lesbie 259, Les morts, sur les tombeaux grecs et romains, ont été souvent figurés jouant avec les oiseaux qu'ils avaient aimés. Une colombe ou un autre oiseau est placé parfois dans la main des personnages qu'on représentait couchés sur les sarcophages 260 Le bas-relief du musée du Capitole 261 ici reproduit BES -701 BES (fig. 843), offre l'image d'une scène familière où les colombes ont le principal rôle et à laquelle prend part le chien de la maison. On se servait également des colombes pour porter des messages, surtout des messages d'amour'-6', quelque bonne nouvelle, comme celle d'une victoire dans les grands jeux de la Grèce 263, ou pour introduire des lettres dans une place assiégée 264. On employa bien aussi à cet usage des hirondelles et même des corneilles -fis ; mais cela n'implique pas que ces oiseaux, les premiers surtout, aient jamais été des oiseaux familiers : les anciens avaient même déjà remarqué que l'hirondelle ne peut pas s'apprivoiser 266 La perdrix et la caille, au contraire, se familiarisaient aisément. La perdrix est appelée aussi quelque part les délices (dOupua) de Diane 267. Dans les peintures de vases qui représentent des femmes dans leur intérieur, on voit des perdrix ou des cailles familiè soit enfermées dans des cages (fig. 844) 969, soit jouant en liberté 97°, com nie celle qui est représentée plus cage. loin (fig. 847) perchée sur une chaise, ou (fig. 841), picorant sous les tables pendant le repas 471. On reconnaît aussi une perdrix favorite sous le siége de sa maîtresse, dans un bas-relief funéraire 271. Il y avait des hommes qui faisaient métier d'élever ces principalement pour les faire combattre, comme on faisait combattre les coqs '78. Comme oiseaux familiers, la perdrix et la caille plaisaient par leur gentillesse. Le philosophe Porphyre 474 avait rapporté de Carthage une perdrix qu'il éleva et qui s'apprivoisa si bien, qu'elle le caressait, jouait avec lui, lui répondait par un cri différent de sa voix ordinaire, se taisait quand il gardait le silence, etc. Aristippe en paya une 50 drachmes R7a. Plusieurs épigrammes de l'Anthologie grecque 476 sont consacrées à des perdrix favorites. Alcibiade 277 avait une caille familière qu'il portait sous son manteau; elle s'en échappa un jour qu'il parlait dans l'assemblée du peuple. Socrate le raillait de son goût pour ces amusements frivoles, en lui proposant ironiquement de prendre pour modèle un fameux éleveur de cailles nommé Midias 2TB. On employait aussi les perdrix privées à la chasse des perdrix sauvages. Le coq (XoxTEU43v, gallus gallinaceus) était l'oiseau de combat par excellence. Nous n'avons pas à revenir sur ce qui est dit ailleurs [ALEKTRYONON AGONIS] de ce genre de divertissement, dont les anciens étaient avides. Il y avait des éleveurs de coqs («ÀExTpuovotpég0t) 27° comme de perdrix et de cailles. Les coqs figurent souvent 280 parmi les animaux que l'on offrait en présent (voy. plus haut, fig. 822), ceux-là surtout qui avaient remporté de nombreuses et brillantes victoires. On cite un Athénien 2fit nommé Poliarque, qui faisait publiquement les funérailles de ses chiens et de ses coqs favoris : elles étaient célébrées avec magnificence ; il y invitait ses amis et érigeait à ces animaux chéris des colonnes sépulcrales, chargées d'inscriptions en leur honneur. On les voit servant d'amusement à des enfants 262, et figurés sur les tombeaux comme les autres animaux favoris 283. D'autres représentations, comme celle d'un repas étrusque déjà cité (fig. 841), les montrent admis dans la familiarité de la maison. L'oie (Xccv, anser), le canard (v'iicva, anas), le cygne (x1xvoç, cycnus, olor), les deux premiers surtout, paraissent avoir eu une large place dans l'intimité de la vie des anciens, de celle des femmes surtout, non-seulement aux temps décrits par Homère , dans le rustique palais d'Ulysse, où Pénélope se plaisait à. nourrir un troupeau d'oies 284 mais aussi dans les siècles postérieurs; on voit par les monuments que ces oiseaux étaient sans cesse dans la société des femmes, des enfants , quelquefois des hommes faits R61, caressés par eux 298, recevant d'eux la nourriture (f g. 845) 257, se mêlant à leurs jeux 2", assistant à leur toilette, à leurs bains 259. On voit aussi, particulièrement chez les Étrusques, des oies ou des canards admis dans la salle où se prend le repas 29o et jouant sous les tables comme les autres animaux représentés dans la figure 842 ; bien plus , ils sont présents jusque sous le lit des morts (fig. 846), pendant les cérémonies funèbres 291. Ils figurent aussi sur les tombeaux comme les autres animaux que les défunts avaient chéris pendant leur vie, soit qu'on les représente dans leurs mains ou à côté d'eux, soit que des parents les apportent comme des offrandes à leurs mânes X92. Dans des scènes d'un autre genre ils servent de présents d'amour, ou marquent entre des jeunes gens et des jeunes femmes la nature de leurs relations 293: en effet l'oie, le canard, le cygne sont connus comme des oiseaux aimés de Vénus. On sait moins que l'oie passait pour l'image de la femme vigilante, soigneuse gardienne de la maison 29'`, chère à toutes les mères de famille 295 ; à Rome les oies étaient consacrées à Junon, modèle des matrones, et nourries auprès de son temple 29a. Le cygne, consacré à Apollon, symbolisait les sentiments les plus élevés de l'âme dont ce dieu favorise l'essor 297. Le paon (cawç, pave), était encore une rareté en Grèce au ve et même au rie siècle avant J.-C., excepté à Samos. auprès du temple de Junon, à qui il était consacré 298. On le rechercha pour ses brillantes couleurs, comme oiseau d'ornement, et on l'apprivoisa. Les Romains eurent des paons en grande quantité 299. On les voit plusieurs fois figurés dans les peintures de PornpéiS0'. On sait que sur les monnaies et sur d'autres monuments commémoratifs de l'apothéose des impératrices, l'oiseau de Junon joue le même rôle que l'oiseau de Jupiter sur ceux qui rappellent l'apothéose des Césars. La cigogne (aceaapyôç, ciconia), la grue (y€pavoç, grus), le héron (âpwStoç, areola, ardea), et quelques autres oiseaux de l'ordre des échassiers, furent admis par les anciens, non-seulement dans leurs jardins ou dans le voisinage de leurs habitations 301 mais dans leur intérieur même, où ils se familiarisaient quelquefois aussi bien que les oiseaux dont il a été précédemment parlé. S'il fallait s'en rapporter à quelques oeuvres d'art 308, on pourrait même croire que l'on sut utiliser la grue ou un autre oiseau de cette famille pour faire mouvoir certains mécanismes. Les anciens avaient remarqué l'ardeur de la grue à combattre et ils s'amusèrent quelquefois de ce spectacle 303 comme des combats de coqs et de cailles. Ils faisaient aussi tourner des grues en rond et prenaient plaisir à les voir s'agiter avec des mouvements grotesques 30° : une danse qu'on appelait la grue (yEpoç) en était, disait-on, imitée [sALTATIO]. On voit dans quelques peintures de vases des grues, des hérons ou des cigognes se promenant librement à Pinté rieur des habitations. Une de ces peintures 3°5 est ici reproduite (fig. 847). Nous ne parlerons pas de l'ibis (letç), dont on rencontre l'image auprès de celles de divinités égyptiennes, ou dans les représentations de leurs sanctuaires, auprès desquels ces oiseaux vivaient en domesticité 308. De l'autruche (cepoubé, aspouOozci.s7l),oç, struthio), dont les auteurs décrivent les moeurs, nous ne dirions rien non plus, si une peinture de vase en partie reproduite ici (fig. 8118), ne témoignait que les Grecs en avaient vu au moins dès le Ive siècle servir de monture à des cavaliers. La peinture paraît représenter 307 un choeur de comédie. Des autruches figurèrent dans la pompe de Ptolémée Philadelphe 308, et plus tard, à Rome, attelées à des chars et dans les chasses du cirque 309 [VENATIO]. Oiseaux chanteurs (èpvtits (lôtxot, cives cantrices, oscines 310); rossignol (ârlBâv, luscinia, luscirziola), chardonneret (âxuvîle, carduelis, acanthus). Les oiseaux chanteurs semblent avoir tenu dans l'affection des anciens moins de place que quelques-uns de ceux dont nous avons parlé, et qui, par certaines qualités, rappelaient, comme la colombe, la tourterelle, la perdrix et le passereau, la grande loi de la nature, la loi de l'amour, fonds important des religions de l'antiquité. Le rossignol même, par les légendes auxquelles on rattachait son origine, semblait voué aux solitudes, et le chardonneret, consacré aux génies protecteurs des voyageurs II11, ne semblait pas non plus destiné à être admis dans les demeures de l'homme en y apportant le charme de ses chants. Aussi ces oiseaux chanteurs, de même que le merle et le pinson, devinrentils rarement des animaux familiers, objets d'une prédilection particulière : ils restèrent le plus ordinairement des oiseaux de volière [VILLA] 312. Cependant il est permis de croire que parmi les petits oiseaux qui sont figurés dans les oeuvres d'art, soit dans des cages [cAVEA], soit en liberté ou retenus seulement par un fil léger à la main de leur maître ou de leur maîtresse 3i3 plus d'un pouvait être recherché pour son chant. Quelques exemples prouvent d'ailleurs qu'on réussissait à les apprivoiser. Ainsi Pline nous apprend 8ta, pour l'avoir vu lui-même, que Néron et Britannicus, pendant leur enfance, jouaient familièrement avec un étourneau et des rossignols qui savaient prononcer des mots grecs et des mots latins, et qui chaque jour étudiaient et répétaient des mots nouveaux et même des phrases assez longues. Un père, dans Pétrone 313, se plaint de la passion de son fils pour les oiseaux, et en particulier pour les chardonnerets. Pline le Jeune 316 raconte qu'un enfant avait pour joujoux, avec de petits chevaux (mannula) et des chiens, des rossignols, des merles et des perroquets : à sa mort, son père fit brûler tous ces animaux sur son bûcher. Calpurnius parle 317 d'un rossignol qu'on pouvait laisser errer en liberté et voltiger parmi les oiseaux des champs. Au commencement du me siècle, la mode d'élever des rossignols et de leur apprendre à parler est assez répandue pour que Clément d'Alexandrie la signale parmi les excès qu'il reproche aux femmes 318. Ce qu'on aimait, ce qu'on recherchait dans ces gracieuses petites bêtes, c'étaient moins leurs qualités naturelles que certains talents extraordinaires 319, obtenus d'eux à force d'art, comme d'imiter le chant de divers oiseaux (varias avium per fingere cantus), de chanter au commandement et d'alterner dans un choeur 320. Alors ils avaient un grand prix, et se vendaient, au temps de Pline, aussi cher et même plus cher qu'un bon esclave. Un rossignol blanc, très-rare, il est vrai, fut acheté pour Agrippine, femrne de Claude, 6,000 sesterces (environ 1,230 fr.) 321. On dressait de même des chardonnerets, et ces jolis oiseaux exécutaient tout ce qu'on leur commandait, non-seulement avec la voix, mais encore avec les pattes et le bec dont ils s'aidaient comme de mains 322 On élevait à ces animaux chéris des tombeaux avec de poétiques épitaphes 323, ainsi que nous l'avons vu déjà pour les chevaux, les chiens et les autres bêtes favorites. Oiseaux parleurs (ôovctç )eAzl-rof, ),«Àot, aves loquaces, vocales) ; geai (xoaouls, graculus) ; corbeau (xdpa;, cornus) ; pie ('TTce, pica glandaria) ; étourneau (¢«p, sturnus) ; perroquet Les anciens, avant de connaître le perroquet, avaient essayé de tirer parti pour leur amusement, de la faculté que possèdent certaines espèces indigènes d'imiter la voix humaine : ils s'appliquèrent à instruire dans cet art l'étourneau, la perdrix, mais surtout le corbeau et la pie ; nous avons vu qu'ils y dressaient même le roi des chanteurs ailés, le rossignol. Cette éducation des oiseaux ne semble pourtant pas remonter très-haut dans l'antiquité. On avait bien remarqué l'aptitude de certaines espèces à proférer des sorts articulés comme ceux de la voix humaine ; la corneille, qui est appelée par Homère Tav,lynt,laaa„ « à la voix étendue » 32'., reçoit bien, chez Hésiode, l'épithète de babillarde, )2uxip~u 323, et cette qualification, devenue proverbiale, est à peu près celle que lui donne Anacréon, n,u),t¢T..pu 326 ; mais comme on l'appliquait communément à l'hirondelle, à la tourterelle 327, aussi bien qu'à la pie, cela n'implique pas absolument qu'à des époques très-reculées on ait enseigné à certains oiseaux à prononcer des mots, à parler. Cette pratique semble antérieure de deux ou trois siècles au plus à l'époque où le perroquet fut bien connu en Europe ; or il ne le fut guère avant le siècle qui précéda notre ère. Le corbeau et la pie tinrent le premier rang parmi les oiseaux parleurs indigènes. Le corbeau était consacré à Apollon 326, et on tirait de son vol et de son chant des augures. On avait pour lui une sorte de vénération ; Pline 329 a raconté en détail la singulière histoire d'un corbeau qui, né sur le toit du temple des Dioscures, s'était un beau jour abattu en face, dans l'échoppe d'un cordonnier. Il y fut soigné comme un animal sacré : on lui enseigna à parler. Dès lors, tous les matins, prenant son vol, il alla se poser sur les rostres, et là, tourné vers le Forum, il saluait par leurs noms 'l'ibère et BES 704 BES les Césars Germanicus et Drusus ; puis il retournait à l'échoppe. II devint le favori du peuple romain. Tué par un voisin jaloux, il fut cruellement vengé par la mort de son meurtrier, que la multitude mit en pièces, et on lui fit, comme à un grand personnage, de pompeuses funérailles. Le lit funèbre fut porté sur les épaules de deux Éthiopiens, précédés d'un joueur de flûte, avec des couronnes de toutes sortes, jusqu'au bûcher construit à la droite de la voie Appienne. Pline ajoute qu'au moment où il écrivait, il y avait à Rome une corneille apportée de la Bétique et appartenant à un chevalier, laquelle prononçait des phrases entières et en apprenait chaque jour de nouvelles. Il parle, au même endroit, de corbeaux dressés à chasser pour l'homme, ce qui se voit encore en Asie. Ceux qui dressaient ces oiseaux à parler spéculaient sur la vanité des grands, qui payaient fort cher les flatteries et plus cher encore les flatteurs : on peut voir à ce sujet, dans Macrobe 390, une curieuse anecdote. La pie ou le geai passait pour celui des oiseaux de cette espèce qui imitait le mieux toutes les voix, et en particulier la voix humaine 551. On recherchait les pies qui avaient cinq doigts, mais, s'il s'en trouvait de telles, ce n'étaient que des monstres, et l'on ne voit pas quel rapport cette conformation exceptionnelle pouvait avoir avec leur aptitude à imiter la parole. Pline 839 raconte des choses merveilleuses de l'application des pies à ce genre d'étude. On les exerçait surtout à dire « bonjour » (ove, salve, yst e, Eû 1tp rtE, Zen ans 333) ; on les appelait pour cette raison salutatrices; on les mettait alors dans une cage au-dessus de la porte d'entrée de la maison, et elles souhaitaient la bienvenue aux arrivants 334. C'était, du reste, chose fort ordinaire que des corbeaux ou des geais dressés à prononcer quelques mots 885. La figure 849, d'après un bas-relief sculpté sur le tombeau d'un enfant 33s représente celui-ci vêtu de la prétexte et portant la bulle, il caresse un corbeau. Parmi les oiseaux parleurs, on rencontre aussi l'étourneau 337 la perdrix 338, et peut-être le rouge-gorge (erithacus 339). L'étourneau se montrait assez docile. Outre l'espèce indigène, il y en avait une autre qu'on faisait venir de l'Inde, qu'on appelait cercion (xEpxtwv) et qui, disait-on, imitait mieux et plus aisément que le perroquet la voix humaine 34°. Son nom, que l'on dérivait de xépxo;, queue, l'a fait confondre quelquefois avec le hochequeue (motacilla, cinglus, xi^lx),os). Au temps de saint Grégoire de Nazianze (Ive siècle ap. J.-C.), on s'occupait encore de dresser des étourneaux à parler. Le perroquet est, par excellence, l'oiseau parleur. On ne paraît pas l'avoir bien connu en Grèce et en Italie avant le siècle qui précéda l'ère chrétienne. Ctésias 341 est le premier écrivain grec qui ait fait mention du perroquet, qu'il appelle (36TTuX64 ; mais il le décrit comme un des animaux curieux de l'Inde ; il insiste sur son aptitude à parler. Aristote 342 a consacré aussi quelques lignes au perroquet, mais ce qu'il en dit ne prouve pas que de son temps il y en eût en Grèce. Ce qui montre au contraire qu'il fut longtemps fort rare et peu connu, c'est qu'à la grande procession religieuse de Ptolémée-Philadelphe (me siècle av. J.-C.) on fit voir, entre autres curiosités, des perroquets dans des cages 345. C'était alors, dit Athénée, une grande merveille a44 Cet oiseau venait de l'Inde 543, ainsi que son nom, sittakê, qui, légèrement modifié par les Grecs et par les Romains, est devenu 4,(TT«xoç, psittacus. D'après les descriptions qu'ils nous en ont laissées, l'espèce qu'ils connurent le mieux est la perruche verte à collier. Dans l'Inde, le perroquet était un oiseau sacré ; il faisait l'ornement des volières royales, dans ces jardins célèbres, où il voltigeait en liberté 348. Une fois connu en Europe, le perroquet fut bientôt très-recherché, particulièrement des Romains, et ce goût chez eux ne passa jamais. Au temps de Varron 347 (Ie4 siècle avant J.-C.), on commença par en exposer dans les fêtes publiques, avec d'autres curiosités du même genre, des bécasses et des merles blancs. Puis les particuliers se donnèrent cette espèce de luxe, et le perroquet, toujours acheté fort cher, devint facilement un oiseau familier, mangeant à la table de son maître, et, comme le dit Pline, non sans exagération, faisant la conversation avec lui et lui donnant le plus agréable passe-temps 543. Au ne siècle, Clément d'Alexandrie 349 signale la passion des femmes pour les oiseaux rares, perroquets et autres. Au ve siècle, un perroquet bien instruit, méritait encore une mention spéciale : un historien de cette époque, Olympiodore de Thèbes 358 dit en avoir possédé un « avec lequel il vécut vingt ans. » Cet oiseau « imitait presque toutes les actions des hommes ; il dansait, il chantait, appelait chacun par son nom, etc. » Comme les pies et les corbeaux, on dressait les perroquets à. saluer leur maître ; on en fit souvent des instruments de flatterie à l'adresse des empereurs 351. Deux perroquets, dans l'antiquité, ont eu l'honneur d'être célébrés par des poètes, celui d'une certaine Corinne par Ovide, et celui d'Atedius Melior par Stace, son ami. On connaît l'élégie d'Ovide 359 : le trop fécond poète n'aurait pas trouvé des accents plus plaintifs pour déplorer la mort de la personne la plus aimée. Le perroquet de Corinne avait pour compagne une tourterelle, et les deux oiseaux vivaient en bonne intelligence; il se nourrissait de noix et de pavots : on l'avait habitué à dire : Corinna, vale! et en mourant, il répétait encore ce souhait de l'amitié. Comme c'était l'usage pour les animaux familiers, on lui éleva un tombeau. Le perroquet de Melior n'avait pas moins de qualités353 comme il était le plus intelligent des perroquets, il en était le plus sensible ; il pleura avec son maître la mort d'un ami. Aussi jouissait-il de tous les priviléges accordés aux animaux les plus chéris. Atedius lui fit faire un tom BES 705131A beau où son corps fut déposé au milieu des plus suaves parfums. L'éloge du perroquet devint un lieu commun d'exercices scolastiques ; c'est à une composition de ce genre qu'appartient le fragment qui se trouve dans les l'iorides d'Apulée. Au dire de Philostrate 354, Dion Chrysostome avait écrit un éloge du perroquet. Il existe quelques représentations antiques du perroquet. La figure 850 est tirée d'une des peintures récemment découvertes à Rome dans la maison de Livie, où l'on voit un de ces oiseaux perché sur un cippe, à l'intérieur d'un enclos consacré [SACELLUM] 356. Sur une pierre gravée356, on voit un perroquet avec un collier, et tenant au bec deux têtes de pavot. Dans une peinture d'Herculanum 3n, un perroquet attelé à un petit char est conduit par un grillon, qui tient les rênes dans sa bouche 368. ÉDUCATION DES OISEAUX PARLEURS. Cette éducation était longue et difficile 369 ; ce n'est donc que par licence poétique que Stace 366 en invitant les oiseaux parleurs aux funérailles du perroquet de Melior, les appelle « ces oiseaux savants à qui la nature accorde le noble privilége de la parole.» Un autre poète, Manilius 361, dit avec plus de raison qu'on leur enseigne à faire de leur langue un usage que leur a interdit la nature. Cet art demandait des soins infinis et une patience extrême qui n'excluait pas une sorte de violence 383. Ainsi quand on dresse le perroquet à parler, on le frappe sur la tête avec une petite verge de fer (radiio ferreo 363, clavicule ferrea 380) ; encore faut-ilqu'il soit tout jeune quand on commence son éducation. S'il a plus de deux ans, elle devient presque impossible : il est indocile, oublieux. Une épigramme attribuée à Pétrone 365 donne pourtant à entendre que quelquefois les perroquets qu'on apportait de l'Inde savaient déjà parler, et qu'ils remplaçaient le langage barbare par des mots latins. Plirie avait observé, relativement aux pies, que celles-là seules apprennent à parler qui se nourrissent de glands. Apulée, copiant maladroitement cette observation, l'applique au perroquet avec l'erreur ajoutée par Pline, que la pie à cinq doigts a plus de facilité pour apprendre à parler 366. Pour instruire ces animaux, on les enfermait dans un lieu retiré, où nulle autre voix ne pouvait se mêler à celle de leur maître, et lui, assis auprès d'eux, répétait souvent les mots qu'il voulait leur faire retenir : il les caressait en leur donnant à manger. On se servait aussi d'un miroir, et un homme caché derrière prononçait les mots que l'oiseau devait apprendre. Celui-ci, en voyant son image, croyait entendre lin autre oiseau, et par émulation il répétait les mots qui frappaient son oreille 367 354 Sophist. I, 7, 2. 355 Annal. de l'pnst. arch. 1875, p. 210, pl. 2. 356 Winckelmann, Pierres de Sloseh, p. 557, n. 175, 176. 365 Pitt. d'Ercol. I, pl. 47, comm. arch. 1870, p. 6. Dans le bas-relief de Naples où l'on a vu un perroquet perché sur la main d'une jeune femme, nous croyons qu'il faut plutôt reconnaître une 359 Philostr. Apollon. VI, 36. .360 scat. Situ. Ii, 4. 301 Mani]. Astron. V, 378 et s.; cf. Philostr. 362 Firmic. VUI, 14. 383 Plin. Hist. nat. X, 621y 42. 364 Apul.. Ftorid. XII. 365 Anthol. lat. Burm. V, 148. 366 Plia. Apul. 1. 1. 367 Grog. Nus. cité par Casaub. Ad Pers. Prolog. 363 Theocr. 1, 52 ; Longus, 1. INSECTES.-La cigale (Tiret, cicada) , et la sauterelle («xp(ç, locusta), ne doivent pas être oubliées ici, car elles ont été mises par les anciens à côté des oiseaux chanteurs 368 ; ils les aimaient et les traitaient comme des oiseaux, à cause de leur chant, les enfermaient quelquefois dans de petites cages de jonc, et élevaient à celles qui les avaient charmés, de petits tombeaux avec de poétiques épitaphes 369. Nommons encore un insecte, le hanneton (14r;aôa6v8r;, scarabaeus), qui n'était point sans doute recherché pour son chant, mais que les enfants, anciennement comme de nos jours, poursuivaient pour le faire voler, après l'avoir attaché à un fil 970. E. CouGNY. E. SAGLIO.